top of page
Rechercher

Ascension du djebel Toubkal et trek dans le Haut Atlas marocain - Rapport de voyage

  • Photo du rédacteur: Antoine Au-Job
    Antoine Au-Job
  • 26 oct. 2024
  • 25 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 janv.

Trek et alpinisme

Parc national du Toubkal, Haut Atlas, Maroc

Du 13 au 19/04/2023


L'hiver 2022 fût consacré intégralement à la préparation de cette expédition. Longues randonnées en autonomie, essais de matériels, apprentissage et perfectionnement aux techniques de cramponnage. Cet hiver là, la neige fût abondante et le terrain de jeu cantalien idéal pour l'entrainement.


Le matériel choisi (photos ci-contre) est basique mais fiable. On n'est pas sur des choix ultra-light mais plutôt sur un compromis entre qualité/prix et robustesse/poids. Étant donné que la plupart du matériel (couchage, vêtements de rechanges et de nuit, toilettes/soins, etc.) sera transporté à dos d'âne d'un refuge à l'autre, je n'aurai à prendre avec moi que le strict nécessaire pour la journée. Je me suis donc permis de prendre beaucoup de matériel sur place, afin de pouvoir réagir et de pouvoir m'adapter aux différentes situations météorologiques susceptibles d'intervenir au cours du trek et de l'ascension finale car, en Afrique plus précisément, il y a des écarts très importants de température entre les plaines arides et les sommets enneigés.

Le Haut Atlas est une chaîne montagneuse marocaine orientée sud-ouest/nord-est. Cette chaîne appartient au massif de l'Atlas et plus précisément, à l'un des trois éléments de l'Atlas marocain, les deux autres étant le Moyen Atlas et l'Anti-Atlas.

C'est le massif le plus élevé d'Afrique du Nord, parfois surnommé le « toit du Maroc » ou encore, le « toit de l'Afrique du Nord ». Il forme une immense barrière d'environ 750 kilomètres de longueur qui délimite le Maroc saharien du Maroc atlantique et méditerranéen. Il constitue la pièce maîtresse des étendues de haute montagne marocaine - dont l'ensemble couvre 100 200km carré de superficie.

La population, principalement amazighe, surtout Chleuhs au sud-ouest, vit du pastoralisme et de l'agriculture. Les habitants du Haut-Atlas oriental, comme les Aït Atta, les Aït Merghad et les Aït Yafelman, parlent des dialectes de la tamazight du Maroc central.


Le djebel Toubkal est le point culminant du Haut Atlas ainsi que du Maroc et de l'Afrique du Nord avec 4167m. Il est situé à 63km au sud de Marrakech, dans la province d'Al Haouz, à l'intérieur du parc national qui porte son nom.

Le mot Toubkal serait une déformation d'origine française du nom berbère Tugg Akal /toug-akal qui signifie "celle qui regarde en haut la terre". Les gens de cette région utilisent encore cette appellation - Tizi n Tugg Kal - qui signifie littéralement "col qui regarde d'en haut la terre".



Jeudi 13 avril 2023

En cette heure matinale - je ne me souviens plus précisément laquelle, j'écris ce rapport de voyage plus d'un an après et certains détails sont naturellement oubliés - la 206 est chargé direction l'aéroport de Clermont-Ferrand/Aulnat. Embarquement pour Marrakech via Roissy-Charles-de-Gaulle. Le voyage est calme, pas de retards ni de problèmes particuliers à signaler. J'arrive à Marrakech dans l'après-midi, je monte dans un taxi direction le centre-ville pour manger et passer la nuit. J'ai une réservation dans un riad, sorte de maison traditionnelle marocaine se situant dans la médina - le centre historique de la ville.

Le taxi me dépose aux abords du centre-ville, ce dernier étant interdit aux véhicules. Sauf visiblement aux "motos" et autres bicyclettes motorisées propre aux ethnies locales. Théoriquement, mon riad n'est pas bien loin - à peine 800m - et donc facile à trouver. Théoriquement, car le sage peuple arabe peuplant cette contrée n'a pas trouvé pertinent de nommer les différentes rues du centre-ville. La médina de Marrakech est un labyrinthe où des milliers de personnes s'entrecroisent dans le chaos le plus total au milieu de véhicules à deux roues avec ou sans moteur. En trois mots : l'enfer sur terre. Pas d'internet donc pas de GPS, je commence à naviguer à l’ancienne en essayant de me repérer dans les multiples allées de la ville, la plupart ne figurant pas sur la carte. Un passant sympathique mais intéressé, me propose alors son aide de bonne grâce. Traduction : contre rémunération. Après négociation, il me guide effectivement à bon port. Cependant, entre-temps, le coût de la course avait changé - sans m'en informer - car "c'est ramadan". S'ensuit ma première altercation avec un autochtone à peine 2h après avoir posé le pied sur le sol marocain. Le gérant du riad, entendant les effusions de voix dans la ruelle, sortit et baragouina des mots en arabes qui mis en déroute mon interlocuteur virulent.

- "Vous avez une réservation chez moi ?"

- "Oui"

- "Bienvenue à Marrakech"


Je sens que je ne vais pas m'ennuyer ici.

Je reviendrai passer deux jours, pour visiter la ville, au retour de mon expédition.

Je mange, fais le tchek de mes affaires et de mon matériel puis décide de me reposer.

Demain, je serai dans les montagnes.


Vendredi 14 avril 2023

7h du matin, j'attend la voiture envoyé d'Imlil pour venir me chercher. Un gars arrive et se présente, c'est le gars sûr de mon guide, mon taxi pour le voyage. Le gars est jeune, sans doute mineur et sans doute sans aucun permis de conduire. Parfait, allons-y.



La route se déroula sans encombre, le gars était pour le coup vraiment sympa. Je ne me souviens plus de son nom, dommage. C'était un berbère qui vit dans les montagnes, comme pratiquement tous les guides et les personnes que je vais être amené à rencontrer maintenant. Il me fait un topo rapide de la région, des habitants, de la météo, etc.


Avant d'arriver à Imlil, il s'arrête et m'explique.

- "Regarde, c'est la vallée d'Asni, c'est beau hein ?"

- "Pas mal", je lui dit

- "Tu veux que je te prenne en photo ?"

- "Vas y"


Jolie vallée, bon moment. On reprend la route direction Imlil. Le village situé à 1740m d'altitude est la porte d'entrée du parc national du Toubkal. Il est le point de départ principal de l'ascension et est surnommé le "petit Chamonix".

Arrivé au village, mon guide m'attend. Il s'appelle Abde. Il a l'air solide, un gars du coin qui n'a pas l'air de rechigner à avancer à vive allure sur des pentes supérieur à 45° avec un sac de 15kg sur le dos.

C'est un berbère, il parle uniquement en Anglais, il fait le ramadan. En somme, il ne va ni manger ni boire durant la journée.

Présentation et tchek rapide du matériel. Pas de blabla ou de phrases superficiels. On apprendra à se connaître dans l'effort. Nous n'allons pas emprunter l'itinéraire classique pour l'ascension, qui peut se faire en une ou deux journées en partant d'Imlil et en se rendant directement au refuge du Toubkal. L'idée est de découvrir le Haut Atlas en passant par des voies d'accès et des refuges moins fréquentés, pour ensuite finir par l'ascension finale avant le retour à Imlil via Aroumd. Le gros du matériel, les provisions d'eau et de nourriture, sont chargés à dos d'âne et seront transportés de refuges en refuges selon notre itinéraire. Nous avons notre sac pour la journée. Let's go.


Jour 1 : Imlil (1740m) > refuge Azib Tamsoult (2250m)

Par le Tizi Mzic (2684m).

9km, 770m d+


Conditions météo : ciel dégagé, 13 degrés Celsius, ressenti 12 degrés Celsius, humidité 23%, vent 2,5km/h de Ouest Nord Ouest.

Durée de déplacement : 2h22

Durée totale (avec pauses) : 3h49

Vitesse moyenne : 3,8km/h

Heure de départ : 9h52 (heure locale)



Le ciel est bleu. Il est à peine 10h du matin et la chaleur s'installe peu à peu. Après environ 1h30 de montée sèche, nous arrivons au Tizi Mzic situé à plus de 2500m d'altitude. Malgré l'altitude, le climat est désertique - la montagne sèche et pierreuse. Nous nous installons sur un replat à l'abris du soleil, sous un arbre. Notre muletier et sa monture arrivèrent à notre hauteur peu après. Abde et son compagnon muletier s'affairèrent alors. Une bâche fût étendu au sol et les provisions sorties des sacs transportés par l'animal. Nous allons déjeuner ici pour midi. Une boite de sardine, du fromage local avec une sorte de galette, des fruits, des olives confites. Après une bonne heure de pause, le rangement effectué, nous reprenons la route vers le refuge d'Azib Tamsoult.

Environ une heure de marche, avec un profil descendant, pour arriver au refuge. La marche se fait à bonne allure sur des singles propres aux montagnes locales. Le refuge, situé à 2250m, est un petit paradis. Un oasis au milieu de la montagne abrupte et désertique. Bâtiment isolé dans la nature portant le nom de la localité, il est situé au pied de la vierge Tazararte et est un lieu de transhumance estivale pour les villageois de la vallée d'Azaden.



Au milieu des moutons, la bande de végétation entourant le refuge attire tout de suite l'oeil. L'endroit est reculé et réconfortant. Pas de touristes à l'horizon, juste le bêlement des bêtes en contrebas. Arrivé à l'enclos de pierre entourant le refuge, un homme se présenta. Le gardien de la demeure. L'accueil fût cordial, apaisé. L'endroit est vraiment reposant.


Nous sommes arrivés sur place en début d'après-midi, avant 16h dans mes souvenirs. Le muletier et son compagnon sur pattes nous rejoignirent peu après. Nous étions quatre, au milieu de nulle part. Abde, le muletier, le gardien et moi. La mule se reposait dans son enclos et les moutons broutaient l'herbe fraîche en contrebas.


Je pris le temps de me doucher, de me changer et de me reposer au soleil. La température était agréable, ni trop chaude ni trop froide. Assis sur les pierres de la muraille surplombant la vallée, je me mis à feuilleté le livre que j'avais trainé avec moi. "Voyage avec un âne dans les Cévennes", de Robert Louis Stevenson. Les ânes sont des animaux fascinants. Dotés d'une intelligence notable pour le règne animal, ils sont capable aussi bien de transporter des charges lourdes en terrain accidenté que de rester immobile durant des heures, selon leurs humeurs.


Un moment, notre hôte s'approcha de moi et, s'en rien dire, m'offrit un thé à la menthe. Vraiment délicieux. Aujourd'hui encore, je peux affirmer qu'il s'agissait là d'un des meilleurs thé que je n'ai jamais gouté. Un moment agréable.


Peu après, un couple de français avec leur guide, que j'avais déjà croisé au déjeuner, arrivèrent à leur tour au refuge. Deux jeunes parisiens, la trentaine, en road trip au Maroc. Fort sympathique mais peu préparés à la vie en montagne et surtout, à l'effort physique. Ils étaient un peu stressés par ce qui les attendait durant les prochains jours. Nous étions donc quatre personnes de plus, en comptant leur guide et leur muletier. Le soir, nous soupons tous ensemble, un repas préparé par le gardien. Un régal, vraiment. Je ne me souviens plus des détails des plats, mais vraiment, c'était très bon. Je remercie tout le monde, on se sert la main avec les français. Préparation du matériel pour le lendemain. Départ prévu avec Abde à 5h30 en direction des plus hauts sommets de la région.


Jour 2 : refuge Azib Tamsoult (2250m) > refuge Toubkal (3207m)

Par le Tizi Agelzim (3560m).

11km, 1337m d+


Conditions météo : ciel dégagé, 7 degrés Celsius, ressenti 6 degrés Celsius, humidité 31%, vent 2,5km/h d’Est Sud Ouest.

Durée de déplacement : 3h26

Durée totale (avec pauses) : 4h15

Vitesse moyenne : 3,3km/h

Heure de départ : 5h37 (heure locale)



Les choses sérieuses commencent enfin. Départ du refuge Azib Tamzoult à la frontale à l'heure prévue. Nous montons directement en direction de la cascade du même nom. Le soleil se lève peu à peu et, en se retournant, nous pouvons admirer toute la vallée d'Azaden et ses contrastes de couleurs. Abde devant, moi derrière, nous avançons à un bon rythme. La pente est longue, régulière. Elle devient de plus en plus abrupte et sinueuse à l'approche de la cascade.


Après la cascade, un léger replat avant d'attaquer la partie la plus dure de l'ascension du Tizi Agelzim. Une pente très raide, en zigzag, nous emmène après environ 2h30 d'effort au sommet du col.

En haut, nous prenons un temps pour souffler. Abde en profite pour aller se recueillir en contrebas, une de ses prières de la journée en lien avec le ramadan. J'en profite pour m'alimenter un peu, manger quelque chose et m'hydrater.


Durant notre expédition, Abde est toujours resté discret sur sa pratique de la religion. Il trouvait toujours le bon moment pour s'éclipser, sans déranger. Pas de blabla prosélytique ou moralisateur. Un homme simple qui pratique sa religion pour soi, pas pour les autres. Un homme qui se recueil, dans la simplicité et la discrétion la plus totale. Rien à voir avec le peu que j'ai pu voir dans les rues de Marrakech - et parfois même dans celles de notre bonne vieille France. D'ailleurs, tous les guides, muletiers et autres habitants de l'Atlas que j'ai pu rencontrer avaient cette même pratique de la religion. Abde n'était pas une exception. Le fait d'être berbère joue t'il un rôle dans la manière de pratiquer ? Certainement. Les arabes ont une vision de la religion, plus expressive, plus expensive, plus bling-bling. Du moins, c'est ce que j'ai pu remarquer.



Le col passé, la neige fît pour la première fois son apparition en quantité non négligeable. Abde toujours devant, je le suivais d'un pas décidé. Plus nous avancions vers le refuge du Toubkal et plus les névés étaient importants. Nous décidons alors de sortir les crampons pour avancer en sécurité. Le rythme devint plus calme, pour assurer chaque pas. Un pas après l'autre, s'assurer de la stabilité de chaque appui. Respirer, rester calme. Contrôler son rythme cardiaque et se concentrer pour ne pas faire d'erreur.



Nous alternions, comme ça, entre névés et terrain aride, rocailleux typique de la région. Nous avançons tout de même à un bon rythme et, après une bonne heure de marche, le refuge du Toubkal était en vue. Normalement, cet itinéraire prend entre 6 à 7 heures de marche pour un randonneur expérimenté. Avec Abde, nous avons relié les deux refuges en 4h15 (en comptant les pauses et les franchissements difficiles de névés). Nous étions en avance. Abde commença (traduction en français de la conversation) :

- "Comment ca va ? Tu te sens comment ?"

- "Ça va, je suis bien. Toi, ça va ?"

- "Ça va aussi, on est sacrément en avance ! On pourrait faire le Toubkal directement à la suite, au lieu d'attendre demain matin, qu'est-ce que t'en dis ?"

- "Vas y, on fait ça"


L'idée d'Abde, de monter directement, nous donne deux avantages. Le premier est de faire l'ascension en pleine journée et donc sous une température clémente et sans avoir besoin d'utiliser la frontale. En effet, la nuit la température est négative et le vent souffle souvent très fort. La visibilité est donc fortement réduite. Le second avantage, et pas des moindres, nous pourrions ainsi éviter tous les groupes faisant l'ascension - la montée s'effectuant traditionnellement très tôt le matin, une ascension dans la nuit froide pour arriver au sommet environ au même moment que le levé de soleil - et potentiellement nous retrouver seuls au sommet du Toubkal.

L'inconvénient, je n'ai jamais était à plus de 4000m et je ne sais pas comment mon corps va réagir. D'autant plus avec les efforts consentis le matin même. Cependant, nous sommes passés à plus de 3500m et je n'ai ressenti aucune gène particulière. Mon corps répond bien et je ne ressens aucune fatigue ni douleur particulière. Je décide de faire confiance aux signaux positifs de mon corps - et à mon guide Abde.



Arrivé au refuge du Toubkal à 3207m, Abde commença à s'affairer. Les guides présents nous regardèrent avec de grands yeux. En effet, nous étions censés arriver en début d'après-midi. Or, il est à peine 10h et les groupes qui sont partis faire l'ascension ce matin ne sont même pas encore rentrés. En très peu de temps tout le monde fût au courant, que nous allions enchaîner et tenter l'ascension avant midi. Je n'avais rien demandé de particulier mais on me sortit une table du refuge, en terrasse, pour que je puisse manger au soleil en admirant la vue. 10min plus tard mon plat était servis. J'étais comme un prince. Oeufs durs, lentilles, fromage avec sa galette. C'était top. Bon et revigorant.

Pas le temps de niaiser, à peine fini, on débarrassa ma table.

Notre muletier n'arrivant pas avant plusieurs heures, je devrais faire avec le matériel de la journée. Je me lève faire le plein d'eau et préparer mon sac pour l'ascension.


Ascension du Djebel Toubkal (4167m)

Le plus haut sommet d’Afrique du Nord.


Conditions météo : ciel dégagé, 15 degrès Celsius, ressenti 13 degrés Celsius, humidité 21%, vent 5km/h d’Ouest.

Neige molle sur toute l’ascension sauf au sommet.

Matériels : minimaliste (sans crampons ni piolets).

Du refuge du Toubkal (3207m) au sommet : 3,4km, 953m d+

Heure de départ : 11h18 (heure locale)

Temps d’ascension total : 1h53

Durée de déplacement totale (up & down) : 2h01

Temps up & down complet (avec arrêt au sommet) : 2h35

Vitesse moyenne : 3,3km/h



"Pas besoin de ça" me lance Abde en me voyant préparer les crampons. La neige s'est ramolli avec le soleil, ils seront donc inutiles. Le ciel est bleu, il fait aux alentour de 15 degrés, la température est idéale et les prévisions sont bonnes. Il est 11h15, nous passons le portillon du refuge, un guide nous lance "bon courage les gars, profitez-bien, faites attention à vous !". On se tchek avec Abde, l'ascension peut commencer.



Abde ouvre la marche, je reste dans ses pas. Du refuge, l'ascension fait environ 1000m d+ sur 3,5km afin d'atteindre les 4167m d'altitude. Un KV - Kilomètre Vertical - en somme. En montant, nous croisons les groupes - ceux ayant fait le sommet en début de matinée - qui redescendent au refuge. Les guides que nous croisons sont tous surpris et demandent à Abde la raison de notre présence. Abde leur explique notre situation, que nous avons enchaîné pour faire une ascension direct, etc etc. Ici, tous les guides se connaissent et j'apprendrai plus tard qu'Abde est particulièrement bien connu. En attendant, nous croisons tous les groupes de la matinée, tous les guides nous saluent amicalement, nous serrent la main et nous encouragent dans l'ascension. La pente est raide. Elle alterne entre passage en neige molle et roche typique. Nous avançons bien. Le pas est léger, fluide. Le rythme, régulier. Environ à mi-pente, nous nous arrêtons pour souffler un peu. J'en profite pour m'hydrater et admirer le paysage. La vue est dégagée, le ciel bleu, magnifique. Nous sommes désormais seuls sur la montagne. Tous les groupes sont rentrés au refuge. Abde - assis sur un rocher - me sourit, je le prend en photo à ce moment là. Nous le savons tout les deux, nous avons de la chance d'être ici aujourd'hui, dans ces conditions. Nous reprenons notre monté, tout se passe pour le mieux. Au 3/4 de la pente, nous nous arrêtons une dernière fois. Dernier arrêt avant le sommet. Je m'alimente. Nous sommes aux alentour des 4000m, encore un dernier effort. Nous bifurquons sur une arrête, à notre gauche. Le sommet est en vue, juste devant nous, à quelques mètres. Enfin, après 1h53 d'effort depuis le refuge, nous y sommes. On se prend dans les bras avec Abde. Nous avons réussi. Nous sommes au sommet de la plus haute montagne d'Afrique du Nord. Et nous sommes seuls. Seuls au monde. Le kiff absolu.



Nous profitons au maximum. Après 30min, nous décidons de redescendre... en courant.

Dans les parties techniques, nous sommes prudents. Les cailloux sont instables, la pente est extrêmement raide. La concentration est au maximum. Les clés d'une bonne descente : la décontraction et la confiance. Rester concentré, bien lever les pieds, garder l'équilibre en s'aidant du haut du corps. C'est comme une danse. Je suis très mauvais danseur, mais là, c'est le pied. Dans les parties enneigées, nous glissons, comme en ski. Nous glissons debout, sur des dizaines de mètres. Puis nous recommençons. Nous contrôlons notre descente en nous penchant en arrière. La technique n'est pas très académique mais elle est efficace. Alors que nous avions mis presque 2h pour monter, nous arrivâmes au refuge en moins de 10min.

Au total, l'ascension et le retour nous aura pris 2h35 (avec une pause de 34min au sommet).


Il est aux alentours de 14h lorsque nous arrivons au refuge. Et quelle arrivée ! Les guides et le personnel du refuge s'étaient réunis sur la terrasse pour nous voir. Nous nous prenons dans les bras avec Abde, sous les applaudissements de la communauté montagnarde locale. Quelle journée ! Les gens viennent nous serrer la main et nous féliciter. Ces gens-là aime le spectacle - et ils n'ont pas été déçu. Ces gens-là connaissent la montagne, ils savent ce qu'est l'effort. Ils savent ce que c'est, d'enchaîner - comme nous avons fait avec Abde - et de réussir à gravir le Toubkal en moins de 2h dans ces conditions. Grace à Abde, j'ai gagné le respect de ces gens-là.


J'ai passé mon après-midi à discuter avec les guides et avec le gardien du refuge. Tous des bons gars. C'est eux qui m'apprendrons qu'Abde est considéré par ses pairs comme un des meilleurs guides de haute montagne de l'Atlas. Et qu'on c'était bien trouvé, qu'ils me dirent. Merci pour le compliment les gars.


Les heures défilants, la fatigue commença à se faire sentir. Je sortis sur la terrasse pour feuilleter un peu mon livre, au calme. Après quelques pages, un coup de pied furtif me fît sursauté. Plongé dans mon livre, je lève les yeux. C'était les français ! Le couple que j'avais rencontré la veille au refuge Azib Tamsoult. Ils étaient arrivé dans l'après-midi et prévoyaient de faire l'ascension demain matin avant l'aube, avec tous les autres groupes. Ils me félicitèrent pour ma folle journée et m'invitèrent à me joindre à leur groupe sur une table de la salle principale. Ils étaient une petite dizaine, à jouer aux dés et aux cartes. Je fis quelques tours de dés puis m'éclipsa pour aller faire une sieste.


Environ 30min après, le gardien vînt me réveiller. C'était l'heure de manger. On m'installa à la même table que mes amis français. Leur guide se joint à nous. Nous parlons bien, c'était sympa, cool et détendu. À la fin, je leur souhaite à tous une bonne ascension pour demain et je file me coucher. Je m'endors sans problème, malgré un dortoir bondé.

Je me réveille le lendemain, le soleil commence à se lever. Tout le monde est parti il y a déjà plusieurs heures pour tenter l'ascension. Je descend dans la salle commune, j'y retrouve Abde. Nous sommes encore seuls au monde. Après une montagne, c'est un refuge pour nous tout seuls. Encore le kiff. Je prend le temps de déjeuner, tranquillement. Nous attaquons la dernière journée de notre petite expédition, profitons-en au maximum.


Jour 3 : refuge Toubkal (3207m) > Aroumd (1940m)

Par Sidi Chamharouch (2350m).

10km, 23m d+


Conditions météo : ciel dégagé, 10 degrés Celsius, ressenti 9 degrés Celsius, humidité 23%, vent 3,5km/h de Sud.

Durée de déplacement : 2h10

Durée totale (avec pauses) : 2h43

Vitesse moyenne : 4,4km/h

Heure de départ : 8h29 (heure locale)



La journée va être tranquille. Nous avons qu'une dizaine de km à faire avec un profil descendant. Les chemins sont roulants et nous avançons vite. Il y a Abde, le muletier - et son animal - et moi. Après quelques kilomètres, nous nous arrêtons au bord du sentier, dans une sorte de cahute. Nous prenons le temps de nous poser, d'admirer le paysage et de profiter du beau temps.



Peu après, nous reprenons la route vers Sidi Chamharouch - le village du roi des djinns, le sultan des génies, le mythique marabout de cette vallée abrupte de l'Atlas. On dit qu'il a le pouvoir de chasser les mauvais esprits qui tourmentent les corps et les âmes. Il est réputé pour son pouvoir de guérir la stérilité féminine et les rhumatismes, mais les maladies spirituelles constituent la grande spécialité de ce saint. Son sanctuaire se situe à l'intérieur ou sous - il y a débat parmi la population locale - un rocher blanc. Chaque année, de nombreux pèlerins affluent vers ce lieu saint. Ils espèrent y être soigné. Selon la légende, Sidi Chamharouch n'appartient pas au monde des humains. Il est plutôt le sultan des "autres", euphémisme désignant les génies. Il ne se confond pas avec ces êtres invisibles ; il en est leur souverain. Cependant, le pouvoir de ce sultan est limité, puisqu'il ne gouverne qu'une fois par semaine, le jeudi. Le lieu de pèlerinage est gardé par la tribu des Aît Mizane et sa visite est interdite aux non musulmans.



Avec Abde, nous nous arrêtons sur le toit-terrasse d'une maison de cette sympathique bourgade pour admirer son rocher peint en blanc. Nous profitons du soleil, du calme ambiant, avant de reprendre notre route vers Aroumd.

Le sentier est roulant, nous croisons en chemin quelques groupes montant à Sidi Chamharouch ou au refuge du Toubkal. La descente est facile et nous arrivons vite à bon port. Nous dépassons le panneau marquant la sortie du parc naturel. Le village est en vue, ça sent la fin de l'aventure.

En approchant, des enfants viennent nous dire bonjour et nous taper dans les mains. Aroumd est, en fait, le village d'Abde. Il y est naît et il y vit quand il n'est pas en expédition. C'est sa maison. Petit village amazight traditionnel d'environ 2000 habitants perché à 1940m dans la vallée d'Ait Mizane, Aroumd est situé à seulement quelques encablures d'Imlil. Mais ici, le village est plus calme. Il n'y a pas l'effervescence qu'on peut trouver à Imlil. Décidément, la vie fait bien les choses, on va être bien ici, pour se reposer.



La médina se trouve dans les petites ruelles du village. Les habitants sont sympathiques, ils nous disent bonjour et nous sourient. Ça change de Marrakech. Arrivé devant l'entrée, le maitre de maison nous accueille et nous fait visiter. Il nous félicite pour l'ascension, les rumeurs vont vites dans la vallée. Je m'installe dans une chambre tout confort. C'est le grand luxe.

L'heure tant redouté est arrivé. Nous nous faisons nos adieux avec Abde, nous avons passé de chouettes moments. Si un jour je reviens dans l'Atlas, pour sûr que j'irai lui rendre visite.

Je sers également la main à notre muletier. Il a bien bossé, tout s'est déroulé comme prévu. Merci à toute l'équipe.


Il est aux alentours de midi et je me retrouve seul dans ce luxueux riad. Le gérant me propose de manger, ce que j'accepte volontier. J'étais fatigué et j'avais faim. Mine de rien, après tout cet enchainement en altitude, mon corps n'avait pas encore eu le temps de récupérer. (En fait, une fois rentrée en France, je mis plusieurs semaines pour récupérer complètement de la fatigue accumulé, mais ça, je ne le savais pas encore.)

Le repas fût un délice. Un mélange de saveurs. J'étais comme un roi, avec mes différents plats sur la table et mon thé. J'englouti cette délicieuse pitance goulument.



L'après-midi, je pris une bonne douche chaude suivi d'une sieste réparatrice. Je m'installa ensuite au soleil, sur la terrasse, pour feuilleter mon livre. Nous étions déjà en fin d'après-midi, quand soudain, un coup de pied furtif me fît sortir de ma torpeur. Devinez quoi. Mes amis français. Plutôt dans un sale état d'ailleurs. Ils avaient les traits tirés. Ils étaient exténués. Ils me racontèrent leur ascension du matin. Ils faisaient extrêmement froid avant le levé du soleil. Ils ont mis presque 4h pour arriver au sommet. Il y avait du brouillard et ils n'ont pu rien voir. La fille (je ne me souviens plus son nom) s'est apparement mise à pleurer durant toute la dernière partie de l'ascension, disant qu'elle n'y arriverait pas, qu'elle était à bout de force, qu'il faisait trop froid, etc etc. Blablabla. Un beau petit spectacle en somme. Et je suis assez satisfait de ne pas y avoir assisté en direct.


Le soir, nous mangeons ensemble et programmons notre journée du lendemain. Pour ma part, je rentre à Marrakech demain matin, je leur dit. Il me reste 2 jours au Maroc pour visiter la ville. Ils me disent qu'ils vont également vers Marrakech pour récupérer un van. Ils ont prévu de conduire jusqu'à l'Ouest, de profiter de la mer, de longer la côte, en différentes étapes, jusqu'au Nord. Ils n'ont pas de temporalité précise. Ils décident au jour le jour. Ils sont au Maroc pour plusieurs mois pour leur trip et ils comptent profiter au maximum. On décide de faire taxi commun jusqu'à Marrakech pour partager les frais. La messe est dite.


Lundi 17 avril 2023

Le lendemain matin, les bagages sont prêtes. Le taxi est commandé, il viendra nous récupérer en fin de matinée, vers 11h. Nous petit-déjeunons et nous décidons d'aller faire un tour dans le village, pour visiter un peu.



Village typique, traditionnel. Les rues sont calmes, quasi désertes. Nous divaguons à l'aveugle dans les différentes allées. La ballade est agréable et nous sommes tous trois contents de pouvoir profiter de cette sérénité, cette quiétude ambiante. Au loin, on entend les coqs chanter. Des chats miaules dans les ruelles en contrebas. L'heure tourne et nous devons déjà rentrer au riad.


Il est 11h, le taxi est à l'heure. Nous montons à bord.

C'est ainsi que nous quittons les belles montagnes du Haut Atlas. J'y laisse de très belles rencontres, de très bons moments de partages et des souvenirs mémorables.

Il est 11h, nous filons plein gaze direction Nord, Nord-Ouest.

Direction, la ville des enfers.


Le taxi me dépose à l'entrée du centre-ville. Au revoir aux français. Le hasard nous a fait nous croiser au milieu de l'Atlas, nous avons partagé des bons moments mais il est l'heure de reprendre nos chemins respectifs. Je prend mes sacs et file en direction de mon riad.

Cette fois-ci, je connais la route, pas besoin d'aide extérieur et de problématique éventuelle. Je suis comme à la maison. Je reconnais les ruelles et me faufile comme un local. En peu de temps, je suis devant la porte d'entrée de la demeure, en plein coeur de Marrakech. Le maitre de maison me reconnait bien sûr, il me demande des nouvelles. Je lui explique mon aventure dans le Haut-Atlas, il apprécie le spectacle. Je mange sur place puis décide d'aller explorer les souks.


À peine entré dans les méandres de la médina, je me fais accoster par plusieurs vendeurs. Je passe mon chemin sans me préoccuper des gens autours. Du bruit, un vacarme assourdissant, partout. Des flux d'êtres humains s'entrecroisants - à première vue - dans le chaos et l'anarchie la plus totale. En fait, le souk est un immense bordel organisé. C'est un monde à part avec ses propres codes, ses propres règles. Je veux m'aventurer plus profondément dans la bête pour tenter de la dompter, d'en comprendre les principes. J'observe les locaux, leurs façons de faire, de se déplacer. J'observe et j'imite. Je veux me fondre dans la masse hétéroclite de l'endroit.


Finalement, fatigué, je décide de trouver un endroit en dehors de cet enfer pour me reposer et taper une petite sieste de digestion. La suite, je l'ai écrite dans le bloc note numérique de mon téléphone pour m'en souvenir. Je copie-colle, ci-après en italique, mot pour mot.


La place Jemaa el-Fna est située au cœur de la médina de Marrakech. Son espace, donnant à la fois sur les souks de la ville au nord et sur la mosquée Koutoubia au sud-ouest, est inscrit au patrimoine culturel immatériel depuis 2008 et au patrimoine mondial par l’Unesco depuis 1985.

J’ai rencontré Fatima Ezzahra peu avant. Lorsque je me trouvais, par inadvertance, en forte mauvaise posture face aux autorités locales suite à une micro-sieste réparatrice sur un banc du Cyber Parc Arsat Moulay Abdeslam. Chose interdite, selon les règles en vigueurs. Règles dont je n’avais point eu connaissance. Bien sûr, ma désinvolture naturelle couplée à ma non-pratique de la langue arabe ne m’ont pas aidé à défendre mon cas. Fatima Ezzarha, qui se trouvait par un heureux hasard sur le banc à côté, si. Merci, d’abord pour m’avoir tiré de ce mauvais pas. Merci ensuite pour l’accueil et pour m’avoir servi de guide sur la place et dans les multiples allées des souks. Merci enfin, et surtout, pour m’avoir fait découvrir les briouates au miel et aux amandes.



Mardi 18 avril 2023

Je me lève avant que les rayons du soleil ne se mettent à taper et que la chaleur devienne insupportable. Je sors du riad, les ruelles sont encore dans la pénombre. Le soleil n'est pas encore levé. Je pars pour un footing matinal. J'en profite pour découvrir et visiter des jardins, des vergers situés à l'extérieur de la ville. L'air est déjà chaud, mais pas suffocant comme en pleine journée. Le temps est plutôt agréable, chaud mais agréable.


Après un retour rapide au riad pour manger et me ravitailler en eau, je décide de passer l'après-midi dans le souk. La chaleur est, cette-fois ci, insupportable, suffocante. Mais il se trouve que la solution est juste devant moi. En effet, les allées du souk sont en fait construites de manière à créer une aération, un courant d'air naturel. Curieusement donc, à l'intérieur de cet enfer où se croise des milliers de personnes, la température est agréable. Il n'y a pas de panneaux indiquants les noms des rues et il y a à peine de l'électricité dans certains endroits, mais je dois avouer que les architectes arabes savent travailler. Alors, bien sûr, ils ont leur propre sens de l'esthétisme. Néanmoins, leurs constructions permettent d'abriter la vie malgré des conditions extrêmement désertiques, et sans l'aide de climatiseurs artificiels.


Au fil de mes pérégrinations, j'arrive devant le quartier des tanneurs. Un vieil homme propose de me faire visiter gratuitement. Comme d'habitude, il faut se méfier avec ce genre de loustic. Après discussion, la visite de la tannerie est bien gratuite. Mais il y a ensuite une visite de la boutique, où je serai libre de choisir d'acheter ou non quelque chose. Comme d'habitude, il faut se méfier avec ce genre de loustic, mais je finis par accepter par pure curiosité. La suite, je l'ai enregistré sur mon téléphone pour m'en souvenir. Je retranscris, ci-après entre guillemets, cette discussion lunaire avec le vieil homme. Il m'explique :

« - Il y a les berbères et les arabes. Les berbères, ils tannent les vaches et les dromadaires. Les arabes, ils tannent les chèvres et les moutons. Les berbères, ils sont là que trois jours par semaine ; le reste du temps, ils sont dans les montagnes. Les arabes, ils sont là toute la semaine ; sauf le samedi et le dimanche.

- D’accord.

- C’est du cuir de très bonne qualité, le meilleur de tout Marrakech !

- D’accord.

- Tu sais, mon frère, c’est un savoir ancestral, transmis de génération en génération. Les meilleurs artisans de tout le Maroc !

- D’accord.

- Regarde la babouche, elle est belle la babouche hein. Touche - la qualité du cuir hein.

- D’accord.

- Pour toi, mon frère, ça sera seulement 300 dirhams la paire.

- Je ne suis pas intéressé.

- Regarde la qualité… allez, combien tu en veux ?

- Non merci.

- Bon, ça fera 100 dirhams pour la visite.

- Pourquoi ? C’était censé être une visite gratuite.

- 50 dirhams pour les berbères, 50 dirhams pour les arabes.

- … »



Bien sur, ma curiosité m'aura coûté 100 dirhams. C'était ça ou tenter un pugilat contre des gars dont le travail est d'écorcher vifs un maximum d'animaux quadrupèdes. Ne faisons pas de folies inutiles et tachons de rester en vie.

Après ce petit différent commercial dans le quartier des tanneurs, je décide de retourner tranquillement au riad pour me préparer. Ce soir, je dine sur un rooftop assez touristique de la médina. Je veux gouter leur couscous avant de rentrer demain matin en France.


Il est 19h, les petites aventures de l'après-midi m'ont ouvert l'appétit. J'ai grand faim. J'arrive devant le superbe restaurant rooftop attrape touriste de la place Jemaa el-Fna. Bling bling à souhait, ascenseur climatisé, chaises peinture imitation or, alcool à volonté, grandes baies vitrés donnant sur la place et ses divertissements nocturnes - charmeurs de serpents, cracheurs de feu et autres saltimbanques locaux. En somme, tout ce qu'il faut pour satisfaire la ménagère moyenne européenne. Je suis là, assis à une table. À côté, des couples et des familles venus ici pour profiter des douceurs de la vie marocaine dans un hôtel 5 étoiles. Eux, ils n'ont surement pas eu de problèmes avec les tanneurs me dis-je.

Quoiqu'il en soit, je suis là pour une chose. Goûter le couscous royal de cet établissement huppé du centre-ville. Ces gens-là ne le savent pas encore, mais je suis un fin gourmet, une sorte de Philippe Etchebest mais en plus jeune et avec des cheveux. Mon plat est enfin servi. La quantité est bonne. La qualité, sans commentaire. Vraiment déçu par ce plat. Alors que j'avais mangé des plats extraordinaires dans les montagnes, des plats faits dans des refuges par des bergers et des gardiens, avec très peu de matériels et de moyens. Je me retrouve ici, à la table d'un des plus grands restaurants de la ville, devant un plat insipide, sans saveur. Alors, bien sûr, je le fini quand même. Mais uniquement par faim et non par plaisir. Quelle déception.


Marrakech est décidément une ville surprenante. Une ville capable du meilleur comme du pire. Une ville à l'image de ses habitants en somme. En prime, j'ai oublié ma casquette "Cantal 15" au restaurant. Je m'en rendrai compte que le lendemain matin avant d'aller à l'aéroport. Marrakech, nous avons eu une relation compliqué, ce fût fluctuent entre nous je le sais, mais accepte s'il te plait ce cadeau de ma part, en signe d'au revoir, en signe d'adieu.


Une fois arrivé au riad, je prépare mes valises. Un taxi viendra me récupérer le lendemain matin aux abord de la médina. Cette fois-ci, l'aventure est bien finie. Il est temps de rentrer à la maison.


Mercredi 19 avril 2023

7h45, le taxi me mène à l'aéroport.

Vol retour vers Clermont-Ferrand en passant par Paris. Aucun problème particulier à signaler. J'arrive à l'heure prévu à Aulnat et je suis chez moi dans l'après-midi.

Ce fût une belle expérience.

Pleins de rencontres, bonnes et d'autres moins. En tout cas, toujours enrichissantes.


Quelques mois après, je suis en voiture, sur la route pour aller au travail. J'écoute les infos à la radio. Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre, un puissant séisme de magnitude 6,9 ravagea l’ouest du Maroc. L’épicentre de la secousse se situait dans la province d’al-Haouz, à environ 70 km au sud-ouest de Marrakech. C'est à dire dans le Haut Atlas, la région d'Aroumd. Il a été suivi d’une réplique de 4,9 qui s’est produite 20 minutes plus tard.

Ce séisme, le plus violent depuis 120 ans, a provoqué des dégâts importants dans les villages des montagnes et a semé la panique à Marrakech et dans d’autres villes notamment à Rabat, Casablanca, Essaouira et Agadir.


Près de 2 millions de personnes, dont 674 892 enfants, vivent dans les zones qui ont été fortement touchées par le tremblement de terre. Pris de court en plein sommeil et en état de sidération, beaucoup d’habitants sont sortis dehors. Ils ont passé la nuit dans les rues, à même le sol, craignant l’effondrement des habitations.


Le soir, en rentrant chez moi, je regarde les infos à la télé. Ils expliquaient que les secours n'arrivaient pas encore à atteindre les villages berbères les plus reculés. Ce sont les habitants eux-même, et en premier lieu les guides locaux, qui prodiguèrent les premiers secours et qui déblayèrent les gravas à la recherche de survivants. Sur les images, diffusées sur les réseaux sociaux et reprises par les chaînes d'infos, je reconnu un homme au milieu des gravas. Il était debout, il était vivant. Il essayait de porter secours à ses proches, à ses amis, à ses voisins.

Je reconnu la silhouette puis le visage de mon ami.

Aucun doute, c'était bien lui.

C'était Abde.


©️AntoineAu-Job

 
 
 

Commentaires


m9d_expedition

  • Facebook
  • Instagram
  • En savoir plus

© 2024 par Mon site. Créé avec Wix.com

bottom of page