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Grands Trails d'Auvergne 2025, l'Intégral - Compte rendu

  • Photo du rédacteur: Antoine Au-Job
    Antoine Au-Job
  • 22 oct.
  • 14 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 nov.

Ultra-Trail

177km, 7000m d+, 31h50'40''

10/10/2025, Lac d'Aubusson d'Auvergne (France)

37ème /160 partants (90 finishers)


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Tout ne se passe pas toujours comme prévu. C'est comme ça. C'est la vie.


Après une préparation spécifique correcte étalée sur plusieurs semaines, le sort a décidé de réveiller une vieille douleur au genou droit à moins de deux semaines de l'objectif. Pire encore, à J-7, je tombe malade, une sorte d'état grippal mais sans fièvre. Le doute commence à s'installer. Suis-je assez prêt ? Devrais-je renoncer ?


La fin d'une préparation pour affronter ce type de réjouissance est toujours un moment charnière. Le corps est fatigué d'une longue accumulation de volume et, logiquement, des blessures peuvent apparaître. Le corps est aussi, à ce moment là, très vulnérable aux maladies car la fatigue induite fait baisser inéluctablement les protections immunitaires. D'autant plus lorsqu'il faut jongler, dans les mêmes journées, entre les obligations d'un travail à temps plein et les longues séances d'entraînements. Les journées sont longues, harassantes, et la récupération n'est jamais optimale dans ce contexte.


Je le sais. Le jeu consiste à arriver sur la ligne de départ avec la plus haute condition physique possible tout en étant le plus frais, le plus reposé possible. C'est un exercice d'équilibriste, de funambule. D'un côté si on se repose trop, la forme physique va diminuer et on ne sera pas à 100%. De l'autre si on pousse trop la machine, on risque de se blesser et d'arriver lessivé sur la ligne de départ. Aucune de ces deux solutions n'est clairement bonne. Il faut arriver à trouver le bon équilibre, le bon compromis, pour être au maximum de ses capacités.


En ce qui me concerne, sur ce coup là, je n'ai pas vraiment le choix. Mon genou et mon état de fatigue général me pousse à prendre du repos. Il reste cinq jours avant la course. Cinq jours de repos complet.


Chez moi, quand le corps est au repos, l'esprit se met indubitablement à divaguer. Et c'est toujours à ce moment là que les doutes apparaissent. Serais-je guéri dans 5 jours ? Au pire, est-ce que je pourrai courir plus de 30 heures malade ou avec une douleur lancinante au genou ? Est-ce que je pourrai le supporter ? Et, de manière générale, est-ce que je suis assez entrainé pour affronter tout ça ?


Pleins de questions. Zéro réponse.

Il faudra pourtant faire un choix, prendre une décision, car le plus gros objectif de l'année arrive à grands pas.


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Pour cette 8ème édition, les Grands Trails d'Auvergne ont décidé d'organiser une première historique dans la région (Auvergne) : un ultra-trail de 100 miles au coeur des monts du Livradois-Forez.


Je ne pouvais pas rater ça. Lorsque j'ai eu vent de cette nouvelle, en octobre 2024, j'ai d'abord soigneusement noté la date de cette édition 2025 dans mon carnet. J'ai ensuite réussi à avoir un dossard pour participer à cette course confidentielle (160 dossards en tout).

100 miles égal 160km. 160km pour 160 coureurs. 1km par coureur. C'est symbolique. Ça a une certaine logique, un certain sens. Ça me plait beaucoup.


L'objectif est coché. Voyons maintenant, plus précisément, à quoi ressemble cette joyeuseté.


Parcours complet ici.


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Partant du lac d'Aubusson d'Auvergne (63), le parcours est une boucle passant par les principaux points hauts et remarquables du Parc Naturel Régional local : Pierre-Pamole (1198m), le Pic Pelé (1348m), le col de la Loge (1252m), la station de Chalmazel (1120m), Pierre-sur-Haute (1631m), la Grande-Pierre-Bazane (1394m), la station de Prabouré (1280m), le lac des Pradeaux (1265m), le col des Allebasses, le Rocher de la Volpie, le Mont Chouvé (1462m), le col de la Chamboite (1483m) et le col du Béal (1387m), avant de redescendre vers le fameux lac d'Aubusson d'Auvergne.


Une boucle de 177km et 7000m d+ serpentant au coeur des forêts féériques du Livradois et traversant les vastes plateaux d'altitudes des Hautes Chaumes du Forez.


Le menu est copieux mais donne envie. Impossible de passer à côté de tout ça. À J-2 ma décision est prise. Je revois en urgence mes temps de passages prévisionnelles et ma stratégie générale de course. L'idée est de partir tranquillement. Vraiment tranquillement. Et de voir comment le corps réagit. J'aurai une bonne indication une fois arrivé à la première base de vie. Je m'adapterai en conséquence, en fonction de la situation, de la douleur ou non.


En deux jours, j'apprend aussi toutes les techniques possibles de strapping et de taping aux genoux. Je prend des conseils et demande l'avis d'Inès, la kiné de la famille. Elle est en voyage en Écosse et ne sera pas là pour la course mais qu'importe, je me débrouillerai avec les quelques conseils glanés par message et via les tutos Youtube.


Je n'ai pas de pression, je n'ai plus rien à perdre.

Je suis prêt, que le spectacle commence.


Vendredi 10 octobre



Les quelques jours de repos ont l'air d'avoir enrayé la maladie. Je ne me sens ni fiévreux ni vaseux. Juste un petit rhum, rien de bien méchant. Au niveau du genou droit parcontre, grosse incertitude. Je n'ai pas couru depuis 5 jours, je ne sais pas si la douleur sera toujours présente lorsque je mettrai en route la machine. Cependant, pas de douleur ressentie en marchant, c'est donc plutôt bon signe que je me dis.


Je prend soin d'appliquer des bandes de tape au genou récalcitrant selon une technique tout à fait personnelle. L'idée est de soutenir un minimum les tendons et les muscles tout en gardant l'amplitude naturelle de l'articulation, et donc ne pas la gêner une fois qu'elle sera en mouvement. Soutenir sans entraver. Un équilibre subtil. Un art que j'expérimente pour la premier fois ici. Dieu merci, je ne suis ni kiné ni médecin et la pose de ce traitement d'urgence me satisfait pleinement.



Il est 17h40, le sas de départ commence à se remplir. Les visages sont crispés, la tension est palpable. C'est toujours la même chose au départ d'un 100 miles. Personne ne rigole, tout le monde a peur. On ne sait pas encore à quelle sauce on va être mangé. Les badauds, familles et curieux en tout genre, se pressent peu à peu autour des barrières. À 5min de l'échéance, les dernières consignes du directeur de course sont données au micro. La musique de départ commence à résonner, chacun rentre dans sa bulle.


Dans une heure il fera nuit noire et, tout le monde en est bien conscient, il faudra ressortir de cette nuit sans dégâts physiques importants, au risque d'avoir très peu de chance de finir la course dans les délais impartis (39h max). Cette première nuit va être capitale.


Photos : Cyrille Quintard


À 18h précise, les fauves sont lâchés. À partir de maintenant, plus de filet de sécurité. Plus d'excuses, plus de mensonges (aux autres ou à soi-même). Chacun est à sa place. C'est l'ordre naturel des choses.



Comme d'habitude, sur l'excitation du moment - le choc d'adrénaline du départ - tout le monde part beaucoup trop vite. Ce genre d'attitude puérile - qui ne me dérange en aucune façon en temps normal - n'est pas à mon goût cette fois-ci. Il faut absolument que je ralentisse pour laisser un temps de rodage à mon genou. Dieu merci, les pourcentages de la première bosse arrivent très vite, au bout de 2/3 kilomètres, ce qui a pour effet de calmer et de faire ralentir tout le monde.


Le rythme devient enfin raisonnable et, à y regarder de plus près, je me situe - grosso modo - dans le premier tiers du peloton. Je ne ressens pas de gêne au genou pour l'instant et j'aborde cette première côte tranquillement.


Photos : David Gonthier


Au fur et à mesure, je prend mon rythme et m'enfonce dans la nuit noire, le faisceau de la frontale éclairant les sentiers.


Au km 20, je pointe à la 47ème position en 2h32. Je me sens en parfaite santé et en pleine possession de mes moyens. Je continue a gérer ma course tranquillement, à mon rythme. Au pointage n°2, au km 44, j'ai gagné 17 places et me retrouve dans le top 30 après environ 6h de course.


Photos : David Gonthier


En quittant le ravitaillement du col de la Loge, je me retrouve seul. La nuit défile tranquillement mais plus je monte en altitude et plus le brouillard se fait présent et le froid ressentir. Nous sommes désormais au coeur de la nuit, aux environs d'une heure du matin, j'aborde les pentes du puy Gros dans un vent glacial.


Arrivé au sommet, sur le plateau menant à Roche Courbe, je retrouve un brouillard à couper au couteau. Je connais cette situation, je l'ai déjà vécu sur le GR20 (compte rendu à retrouver ici). Le faisceau lumineux de la frontale ne transperce pas un tel brouillard. Il aveugle en se réfléchissant dessus. Impossible de distinguer les balises dans ces conditions. Or, sur les plateaux d'alpages, il n'y a pas de sentiers tout tracés, il n'y a que de l'herbe et au mieux quelques sentes à peine perceptibles dans le brouillard. J'avance en marchant, pas à pas, pratiquement à l'aveugle, en me fiant uniquement à la trace gpx enregistrée sur ma montre.


En descendant au col du Béal, pas mieux, encore du brouillard. Je m'arrête à côté d'une bénévole, présente au point de croisement avec une route, pour lui expliquer que le froid avait pratiquement déchargé toute la batterie de mon téléphone. Il ne reste que 12% (de batterie) et je décide de le couper complètement (mon téléphone) pour ne l'utiliser qu'en cas d'extrême urgence. La descente vers Chalmazel va être rapide, sur un sentier bien tracé. Je ferai un premier point une fois arrivé là-bas.


La nuit, le vent, le froid, le brouillard. Il est facile de se désorienter et de paniquer dans une telle situation, d'autant plus lorsque l'on est seul. J'imagine que certains de mes camarades de route n'ont pas vraiment apprécié ce petit passage en altitude à ce moment là... puisque quand je suis enfin arrivé à Chalmazel, à la base de vie n°1 (km 57), j'avais gagné 5 places... alors que je n'avais croisé aucun coureur jusque-là. Erreurs d'orientation ou tout simplement cachés par le brouillard quand je les ai dépassé. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, je ne m'attarde pas à cette base de vie. Juste le temps de remplir les flasques et de prendre le ravitaillement nécéssaire dans mon sac de délestage.


Je continue mon petit bonhomme de chemin seul, direction le point culminant des monts du Forez. Il est environ trois heures du matin lorsque j'atteins Pierre-sur-Haute (1631m). Une fois le complexe militaire - et son emblématique antenne - franchi, je déroule tranquillement sous un ciel désormais complètement découvert et jonché de millions d'étoiles. La voûte céleste se dévoile devant et au dessus de moi. Le spectacle est juste magnifique. En prime, les jambes vont parfaitement bien et le genou ne pose aucun problème. C'est officiel, je suis - étonnamment - dans un bon jour.


Photos : 1,2 Cyrille Quintard / 3 David Gonthier


Je traverse les Hautes Chaumes en solitaire, pratiquement en état de transe. Après environ 9h de course, j'ai l'impression de voler sur les sentiers. Aucune douleur à signaler et aucun effort particulièrement important ressenti. Environ 15km comme ça, dans la nuit noire et silencieuse. Soudain, un bruit derrière moi.


- "Salut, je pensais ne jamais te rattraper. Ça fait plusieurs heures que tu es tout seul non ?

- Oui, ça fait un petit moment, que je lui fais.

- Moi aussi, c'est pareil..."


Et c'est comme ça que j'ai fait la connaissance de Thibault.

Profil de l'animal : 42 ans, batteur dans un groupe de rock depuis longtemps, ultra-traileur depuis peu, économiste de la construction. Concernant ce dernier point, il m'a bien expliqué ce que ça voulait dire mais je ne m'en souviens plus trop. Bref, un bel artiste avec qui j'ai fait une grande partie de la course à partir de cet instant.


On arrive ainsi ensemble au prochain pointage, le ravitaillement de la station de Prabouré au km 83. Après pratiquement 12h de course et 3320m d+, nous pointons à la 21ème et 22ème places - aux portes du top 20. Après un ravitaillement maitrisé et un bonjour au padre qui attendait sagement au bord d'une table à 6h du matin, nous repartons dare-dare à l'assaut de la piste - de ski (ou de la remontée mécanique ?) - de la station.


Photos : Cyrille Quintard


Ensemble, nous franchissons les massifs forestiers autour du lac des Pradeaux, puis le Suc de Montchaud et le col des Allebasses. Nous voyons le soleil se lever sur les monts du Forez, les rayons traverser la canopée forestière et le ciel devenir, peu à peu, d'un bleu éclatant.


Dans une descente, cependant, première alerte. Du sang coule de mon nez. Le fait de renifler et de me moucher constamment à cause du rhume a dû enflammer la cloison nasale et - in fine - fait exploser un petit vaisseau sanguin. Thibault me tend un rouleau de papier WC. J'en déchire un bout puis le roule en boule avant de l'insérer dans ma narine pour stopper l'hémorragie. Tout va bien, nous finissons la descente tranquillement.



Après 15h40 de course, nous arrivons enfin à la base de vie n°2, à Valcivières, au km 104. Il est 9h40 du matin et nous sommes toujours en 21ème et 22ème positions. Statu quo pour l'instant. Mais, nous le savons, la course commence véritablement maintenant. La mi-course a été franchi depuis un petit moment et il est temps désormais de faire une vraie pause. Les organismes commencent logiquement à fatiguer, la base de vie tombe donc à pic.


À noter que nous avons traversé la première nuit sans dégâts majeurs et encore plutôt frais (dans la mesure où nous avons fait une nuit blanche et couru plus de 100km).


À la base de vie je retrouve le padre - qui s'est installé comme à son habitude à une table - et ma soeur. Je prend le temps de recharger mon téléphone, de remplir mes flasques, de me ravitailler pour les prochaines sections et, surtout, de manger un vrai repas (avec de la vraie nourriture). Deux assiettes de pâtes avec des sardines, des oeufs durs, des compotes. La totale. Pas de problèmes de digestion ou d'assimilation de la nourriture cette fois-ci (pas comme sur la LyonSaintéLyon, compte rendu à retrouver ici). Après une bonne pause salvatrice, nous voilà repartis pour affronter la section la plus compliquée du parcours.


Photos : David Gonthier


Un enchaînement continu de trois bosses. D'abord une longue montée vers les contreforts du Rocher de la Fromagère suivi d'une toute aussi longue descente. Un enchainement direct avec l'ascension de la Tête du Bien en passant par le Rocher de la Volpie. Puis, après la descente, une remontée sans transition pour aller chercher le sommet du mont Chouvé (1462m). Après cette ascension, une descente doit nous permettre d'atteindre le col du Béal et son poste de ravitaillement. La section - entre Valcivière et le col du Béal - fait 22km pour 1500m d+.


Et c'est ici que tout à commencé à se compliquer. Depuis le début, tout allait bien. Trop bien même. Mais nous sommes sur un ultra, un 100 miles qui plus est, et le retour de bâton n'est jamais bien loin. Une douleur lancinante en bas du tibia commence à se faire sentir. Je sais parfaitement ce que c'est. Le come back de la tendinite du releveur droit. Des fourmillements, des chocs électriques, dans le mollet gauche. Je sais ce que c'est aussi. Nerveux cette fois, dû à une compensation - parfois consciente, parfois inconsciente - de ma jambe gauche par rapport à ma jambe droite (du fait de ma blessure au genou droit). Le corps est fait ainsi. Bien sûr, ça ne va pas aller en s'arrangeant. Le processus est enclenché, aucun moyen de revenir en arrière.


De son côté, Thibault n'est pas guère mieux. Des douleurs également aux releveurs. Nous décidons de rester ensemble - un pacte sans parole - pour nous soutenir mutuellement. Nous franchissons toutes les difficultés de la section à un rythme lent. Le but étant de ne pas trop aggraver les choses et de gérer nos douleurs pour retarder au maximum le point de non retour.



Nous arrivons enfin - après 20h38 de course, 127km et 5300m d+ - au ravitaillement du col du Béal en 25ème et 26ème positions. L'objectif désormais est de limiter les pertes (de temps et de places) au maximum tout en gardant un minimum d'intégrité physique pour pouvoir finir la course sans dégâts trop importants.


Il est aux alentours de 14h40 et, point positif, le temps est idéal, presque parfait. Pas de vent, ciel bleu azur, pas trop chaud, pas trop froid. Au ravitaillement, je retrouve le padre qui s'est paisiblement endormi sur le siège avant de la voiture. Je mange, rempli mes flasques, fais des provisions et change de chaussures. Nous repartons ensuite ensemble, Thibault et moi, direction la prochaine base de vie.


Photos : Cyrille Quintard


Dès les premiers km, je sens que Thibault est beaucoup mieux que moi. J'ai peine à rester au contact, surtout dans les descentes. D'un commun accord, je le laisse filer devant. Chacun sa course après tout. Je me re-concentre sur moi-même et m'enferme dans ma bulle. MP3 ok, playlist ok, album ok, "Oasis live 2025". Que les frères Gallagher me transportent jusqu'à l'arrivée.


Après un moment de doute, les jambes finissent miraculeusement par revenir. Les douleurs sont toujours là, certes, mais je peux de nouveau courir. Étrange phénomène que de retrouver de bonnes sensations alors que tout semblait perdu. J'arrive à rattraper Thibault juste avant le point d'eau du village du Brugeron. Cette fois-ci, c'est lui qui à l'air d'être en difficulté. Nous remplissons nos flasques ensemble puis nous repartons en trottinant vers la montée du Chalard.


Photos : David Gonthier


Dès les premiers mètres de l'ascension, je me sens parfaitement bien. J'en profite pour placer une accélération et me mettre à mon rythme de croisière. Je sais que j'irai moins vite dans les descentes, il faut donc absolument que je gagne du temps en montée. Je ne me retourne pas et continue mon effort jusqu'au sommet. Je me retrouve donc seul, entouré par quelques coureurs d'autres courses (notamment les coureurs du 130km avec leurs dossards rouge) qui empruntent la même fin de parcours. Comme prévu, la redescente vers le hameau de Servet est plus compliqué. Je n'arrive pratiquement plus à courir et je me fais ostensiblement doubler par un nombre incalculable de coureurs du 130. Je finis cette section en marchant, dans la nuit qui est désormais bien installée.


Il est aux alentours de 21h quand j'arrive à la dernière base de vie, celle de la Renaudie, après un peu plus de 27h de course, 155km et 6250m d+. Je retrouve le padre qui s'installe avec moi sur un bout de table. Je mange quelques oeufs durs, fais charger un peu mon téléphone, rempli mes flasques, fais le plein de provisions et m'habille pour affronter la nuit. Je pointe alors en 27ème position mais je sais que la dernière section va être très dur.


En me levant pour repartir j'aperçois Thibault qui franchit le pallier de la salle, marqué aussi par l'effort et le froid qui commence à se faire sentir. Une accolade à mon frère d'arme. Il me dit qu'il va s'arrêter un petit moment pour faire une sieste, se reposer un peu. Je décide de repartir seul dans la nuit, direction le lac et l'arche d'arrivée.


À partir de maintenant, c'est très simple, je suis un randonneur (à la retraite depuis longtemps). Plus possible de courir au risque de me blesser sévèrement. Le releveur droit est complètement enflammé et mon mollet gauche ne répond plus du tout en descente. Il reste environ 21km et 500m d+ avant l'arrivée. Au vue de ma vitesse, j'estime qu'il me reste environ 5h d'effort. J'avance même plus vite en montée qu'en descente. Ces dernières sont un véritable calvaire. Bref, disons que je profite au maximum de ma fin de course, je rallonge le plaisir.


Avec la nuit, la fatigue, le manque de sommeil et l'intensité de l'effort, je commence aussi à avoir quelques hallucinations. C'est ce qu'il se passe après plus de 24h d'effort en continu. C'est une réaction normale du corps, un signal d'alerte. Les branchages au sol deviennent ainsi des serpents se tordant devant moi et les pierres, des crabes s'écartant sur mon chemin. Dans le même temps, je me fais doubler par un nombre toujours plus croissant de coureurs. Des "130" bien sûr, mais aussi beaucoup de coureurs de ma course. On verra bien, peu importe. Les gels à la caféine permettent de donner un coup de boost, de se re-concentrer, de reprendre un peu de lucidité - du moins de repousser encore un peu plus le moment fatidique.


La dernière longue descente vers le lac est tout simplement horrible. Je m'arrête tous les 50 mètres pour souffler. Mon mollet gauche me lance des décharges électriques et mon releveur droit s'enflamme à chaque fois que je pose le pied par terre. Il y a des moments comme ça, où il faut savoir serrer les dents.


J'arrive en marchant devant l'arche d'arrivée après 31h50 de course, 177km et 7000m d+, en 37ème position.

Nous étions 160 au départ, nous serons seulement 90 à l'arrivée.


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Voir Strava ici.


(Et pour la petite histoire, Thibault terminera en 38ème position, à seulement 3min.)


Malgré les doutes et les aléas de la pré-course, la journée avait particulièrement bien commencé.

Jusqu'au km 130, j'étais encore sur un sub 30h possible mais la machine a commencé à s'enrayer.

Il faut toujours rester humble.

Ce fût, pour moi, une magnifique expérience.


S'adapter, c'est la clef.


Tout ne se passe pas toujours comme prévu. C'est comme ça. C'est la vie.


©️AntoineAu-Job

 
 
 

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