Home to Home (H2H) - Rapport de voyage
- Antoine Au-Job
- 17 août 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 janv.
Fastpacking en autonomie sans assistance
Chaîne des Puys, massif du Sancy, monts du Cantal - Parc naturel régional des Volcans d'Auvergne
177km, 6326m d+
Du 04 au 06/08/2024

Jour 1 : la chaîne des Puys et le plateau de Guéry
Clermont-Ferrand (63) > le Mont-Dore (63)
Départ : 06h40 de la maison de Clermont-Ferrand.
La température extérieure est idéale, aux alentours de 20 degrés. Il y a tout de même de la brume, du brouillard et de l'humidité sur les sommets, notamment sur le puy de Dôme - puis en arrivant au col de la Croix Morand et les contreforts du massif du Sancy (puy de la Tache, puy de Monne, puy de Barbier, puy de l'Angle).
La progression est fluide, les jambes sont fraiches, les difficultés s'enchainent rapidement et sans trop de soucis.
En arrivant au dessus du Mont-Dore, le ciel se dégage enfin. Je décide de poser mon bivouac au dessus de la grande cascade.
Pour cette première journée, malgré un sac un peu lourd (provisions pour 3 jours), aucun problème physique n'est à déplorer ni aucun problème de matériel.
Les 56,80km qui sépare mon appartement (Clermont-Ferrand) de la cascade du Mont-Dore ont été avalé sur un rythme tranquille (marche soutenue) en un peu moins de 11h.
Je profite de la lumière du jour pour prendre un bain de soleil et me restaurer. Le soleil baisse petit à petit et j'ai la chance d'observer un superbe coucher du haut de mon point de vue culminant sur le Mont-Dore.
La nuit fût agitée. D'abord, une attaque massive de moustique sur ma position. Je me renferme donc à l'intérieur de mon Bivy pour échapper aux piqures incessantes et aux bruits caractéristiques de ces ennemis volants, tournoyants autour de moi et cherchant la moindre partie de peau à découvert pour accomplir leurs forfaits. La nuit avançant, ses diables ailés disparurent faisant place à d'autres ennemis. Le froid et l'humidité. La nuit à 1300m d'altitude, la température chute d'au moins 10 degrés par rapport à la journée. Le vent, fort cette nuit là, n'arrangea pas la chose. Tout bien pesé, ma position sur cet éperon, quoique très attractive durant la journée pour sa vue imprenable sur la ville et tout le massif, est devenu en l'espace de quelques heures un piège où s'engouffre le vent, le froid et toute l'humidité venant des sommets et descendant dans la vallée. Tout bien pesé donc, ce n'était pas le spot idéal pour dormir à la belle étoile ce soir là.
Cette nuit là, j'ai dormi 2h30 selon ma montre. La nuit fût longue, très longue.
Mais quand le jour s'est enfin levé, tous mes sens étaient en alerte. J'étais près à en découdre et tant mieux, la journée allait être chargée.

Jour 2 : le massif du Sancy et le plateau du Cézallier
le Mont-Dore (63) > Saint-Saturnin (15)
À peine les premières lueurs du jour faisaient leurs apparitions, déjà je rangeais tout mon barda en fouillis pour me mettre en mouvement et me réchauffer le plus rapidement possible.
Mais avant de reprendre la route, j'avais une mission : aller à la grande cascade faire le plein d'eau, me laver un peu et ranger mon sac à l'abris des bourrasques de vents qui n'avaient pas encore cessées.
Après une descente rapide, j'accompli ma mission avec brio mais un nouveau problème survint.

Où est ma casquette ?
Je déballe une nouvelle fois tout mon sac. Pas là, pas là, pas là. Peut-être là ? Non.
Merde, j'ai perdu ma casquette.
Et comme par hasard, il annonce le retour des grosses chaleurs à partir d'aujourd'hui.
Mon programme de la journée ? Pas grand chose, juste l'ascension du puy de Sancy suivi d'un petit 60km sur des chemins à découvert.
Il faut que je retrouve cette casquette.
Peut-être l'ai-je oublié sur mon spot de bivouac en partant comme un voleur ?
Ni une, ni deux, je remballe tout et remonte jusqu'à l'éperon. Rien. Pas de casquette. Peut-être envolée avec une bourrasque.
Bon, très bien. On verra plus tard pour le soleil.
Il est 7h du matin, il ne fait pas encore trop chaud, direction le puy de Sancy par les crêtes Est (le Roc de Cuzeau, le puy des Crebasses, le puy de Cacadogne).
La marche est fluide et étonnamment, je ne ressent aucune fatigue particulière. Le fait de n'avoir presque pas dormi n'a en rien affecté mon état physique. Le mental est toujours là malgré toutes ces petites déconvenues.
Arrivé sur les crêtes, la chaleur commence à faire son apparition. Le ciel est bleu, la journée va être magnifique. Je décide de m'arrêter pour enlever des couches de vêtements et les ranger dans mon sac. En les pliants soigneusement, je repense à ce sac de couchage que je n'arrivais pas à plier correctement ce matin. Je le ressort, je l'ouvre. Que vois-je à l'intérieur ?
Ma casquette ! Bordel, elle était là pendant tout ce temps.
OK, maintenant on arrête les conneries, on se concentre et on profite de la journée. Et cette casquette, plus jamais elle quittera ma tête, même la nuit. RAF.
L'ascension du Sancy se fît par le col de la Cabanne, un aller-retour efficace. Il fait chaud maintenant. Je vais avoir besoin de beaucoup d'eau aujourd'hui. D'abord les crêtes (puy Ferrand, puy de la Perdrix) puis descendre en altitude. Je referai le plein à Super-Besse. Chose faite dans le ruisseau alimentant le plan d'eau. La journée fût belle et intense.
Je refis le plein au cimetière de Condat.
Une vieille dame croisée devant : -"Vous venez d'où comme ça ?"
-"Clermont-Ferrand"
-"Et vous êtes venu à pied ?"
-"Oui"
-"Vous n'avez même pas de trottinette électrique comme on fait maintenant ?"
-"Non"
-"Et vous allez où ?"
-"Dans le Cantal"
-"Oh félicitation, vous avez réussi !"
-"Comment ça ?"
-"Et bien, jeune homme, vous êtes dans le Cantal ici !"
En effet, c'était vrai. Je n'avais pas réalisé que j'étais entré dans le Cantal.
Je décide alors de m'arrêter manger sur une table de pique-nique à côté du stade. J'avais faim.
En plus, des ampoules s'étaient formées aux pieds durant la journée et je devais soigner tout ça.
Je ferai les 15 derniers kilomètres pour rejoindre Saint-Saturnin de nuit.
Au total, les 61,24km reliant mon point de bivouac du Mont-Dore à celui de Saint-Saturnin, furent avalés en moins de 14h. L'arrivée au camping désaffecté du village, de nuit vers 23h30, fût épique.
En arrivant, je décide d'aller directement au cimetière pour remplir mes bidons. À ma surprise, un jeune couple se trouvait là, devant moi, aussi surpris que moi par cette rencontre. Il faut imaginer ces deux jeunes personnes éclairés tout d'un coup par les 900 lumens de la Petzl d'un gars plein de poussière et titubant dans la nuit pour aller chercher de l'eau. Les yeux écarquillés, ils se tenaient là, à me regarder. Je fis demi tour, je verrai demain matin pour l'eau.
En revenant sur mes pas, pour aller à mon spot de bivouac, une question me tarauda l'esprit. Bon dieu, mais qui emmène sa copine en rendez-vous devant un cimetière un lundi soir à 23h30 ? Et qui est cette fille qui accepte un tel rendez-vous ?
Tout bien pesé, j'ai bien fait de revenir sur mes pas, ces personnes sont sûrement beaucoup plus dangereuses qu'elles n'y paraissent.
Arrivé au camping désaffecté, pas un chat. Je déplie la couverture de survie et le sac de couchage. Je change les pansements sur mes pieds. Je branche mon téléphone et ma montre à la batterie externe. Je me couche et m'endors presque instantanément.

Jour 3 : les monts du Cantal et la vallée du Mars
Saint-Saturnin (15) > Anglards-de-Salers (15)
6h30, les premiers rayons du soleil frappent mon visage. Je me réveille, j'ai dormi d'une traite. Aucun problème à signaler. Ce fût une nuit vraiment agréable.
Je tchek mes appareils électroniques. Tous chargés à fond. Je me lève, aucune véritable douleur musculaire. Je regarde à ma gauche, une rivière coule en fait tout autour. Je ne l'avais même pas vu en arrivant hier soir. Et même pas entendu couler durant la nuit. La fatigue sans doute.
Je regarde ma carte. "La Santoire". Et bien, elle est la bienvenue celle-ci ! Je n'aurai donc pas à retourner au cimetière ce matin.
Je fais le plein d'eau et ma toilette dans un bras de la rivière. Les affaires sont rangés. Les déchets entassés dans un sac puis jetés dans un conteneur poubelle du village. Il est au alentour de 7h15, la dernière journée peut enfin commencer.
Comment reconnait-on que l'on approche de la maison ?
Réponse : quand les vaches deviennent rouges.
Le programme de la journée est simple. La moitié du temps à monter (jusqu'au sommet du puy Mary), l'autre moitié à descendre (la vallée du Mars). La première partie de la journée est donc consacré à la traversé des estives entre Saint-Saturnin et le col de Serre, en passant par le signal du Limon. Je mange mon dernier repas sur une table de pique-nique au col de Serre. Mon sac est désormais délesté de pratiquement toute la nourriture. Et ça, c'est cool.
La journée fût comme la précédente. Idéale. Ciel bleu, température clémente. Paysage à couper le souffle.
Arrivé au sommet du puy Mary, la bascule se fait du côté Pas de Peyrol et sa maison de site (du puy Mary). Rechargement en eau des flasques aux toilettes publiques. Puis, direction plein Nord et ses crêtes (puy de la Tourte, Suc de la Blatte) pour rejoindre le Falgoux et la vallée du Mars.
Après une descente qui casse bien les pattes, j'atteignais enfin le Falgoux vers 19h. Ravitaillement en eau directement à la fontaine publique et rafraîchissement de la nuque et de la tête. Autant, la chaleur était supportable en altitude, autant ici, aux porte de la vallée, la chaleur est suffocante. Et il me reste encore 20km à faire pour atteindre mon objectif.
20km, ça veut dire à peu près 4h de marche. Il ne faut pas que je traîne si je veux arriver avant minuit. J'essaie d'accélérer le pas mais je sens qu'il y a un problème. Pour la première fois durant cette aventure, mon corps ne répond pas correctement à mes sollicitations. Je suis dans la vallée, sur un léger faux plat descendant. Pourtant, je regarde ma montre, je n'arrive pas à dépasser les 2km/h. C'est affligeant. Quelque-chose ne va pas. Je m'alimente encore une fois, je m'hydrate, rien n'y fait. C'est comme si mes jambes ne pouvaient pas aller plus vite.
Je m'arrête et je réfléchis. J'ouvre mon sac et cherche le moindre poids inutile à délester, en vain. Je m'alimente encore et me prépare à passer une nouvelle partie de la nuit dehors. Je regarde la carte. Il me reste trois "difficultés" à passer. En temps normal, il ne s'agit pas vraiment de difficultés, mais dans ces conditions, tout deviens beaucoup plus difficile. Le premier défi sera de passer la partie boisée entre le Vaulmier et Saint-Vincent-de-Salers avant que le soleil ne se couche complètement (et ainsi économiser au maximum la batterie de la frontale pour la suite). Second défi, passer le bois entre Saint-Vincent-de-Salers et Colture le plus rapidement possible (pour la même raison). Enfin, faire de son mieux pour relier Colture à Anglards-de-Salers par la route et la montée des Aldières (d'où l'importance d'avoir encore de la batterie à la frontale, pour une question de sécurité par rapport aux voitures).

Je refais mon sac, sors la Petzl et la positionne sur le front en prévision d'une nuit qui risque d'être longue et agitée.
Après de multiples questionnement, j'arrive finalement à me traîner jusqu'aux abords du Vaulmier. Un peu avant d'arriver dans le village, je repaire un champs à ma droite. Il est complètement ouvert, pas de barbelés, et j'ai l'impression que l'herbe y a été fauché récemment. Je m'arrête net. Instinctivement, j'entre et m'avance vers un arbre. Je pose mon sac à terre et prend mon téléphone. Il est exactement 20H20. Je met un réveil à 20h30. Je m'allonge, la tête posé sur le sac. Je ferme les yeux.
Quand je les ré-ouvre, il est 20h29. 10 seconde plus tard, le réveil sonne. Je me lève, met mon sac sur le dos et repars directement.
Et le miracle opéra. Étonnamment, je ne ressens plus aucune douleur lancinante et plus aucune fatigue. Ça a marché. Il aura fallu une mini sieste de 9 minutes pour que mon corps récupère et fasse en quelque-sorte, un reset pour supprimer tous les bugs. Merci !
Je repars direction les bois du Vaulmier. Je me sens bien. Je regarde ma montre, 6km/h. C'est correct. Finissons-en.
Les bois du Vaulmier sont passés comme prévu, avant que le soleil ne se couche (et donc sans utiliser la frontale). Arrivé à Saint-Vincent-de-Salers, je traverse le village, euphorique. La nuit commence sérieusement à tomber, ce n'est pas le moment de chômer.
Soudain, une voix m'interpelle : -"Excuse moi, je ne veux pas te déranger mais je suis curieux. D'où viens-tu comme ça ?"
-"De Clermont-Ferrand"
-"Tu es venu à pied, comme ça, de Clermont-Ferrand ?"
-"Oui"
-"Et tu vas où ?"
-"À Anglards-de-Salers"
-"Mais c'est à 12km d'ici et la nuit est en train de tomber !"
-"Je sais, c'est pour ça que je me dépêche"
-"Mais attend, attend 2min, tu vas prendre des gaufrettes, on ne peut pas marcher comme ça. La marche c'est le partage. Va remplir tes bidons au robinet, après tu pourras partir."
C'est comme ça qu'un parisien en vacance m'a offert 2 paquets de gaufrettes"Brun" saveur cacao et a rempli mes flasques d'eau fraiche. Merci à toi l'ami.
La suite fût simple. J'ai profité de mon état d'euphorie pour traverser les bois de Saint-Vincent-de-Salers rapidement et sans encombre. Je me suis même permis le luxe de filmer des passages pour faire le zouave sur Instagram.
La dernière montée vers Anglards-de-Salers, la côte des Aldières, fût plus éprouvante. Je connais par coeur cette route, je la fait depuis tout petit, à pied et à vélo. Je connais chaque virage, chaque courbe, chaque différence de dénivellation. Elle ne fait que 5km, mais cette nuit là, j'ai crû qu'elle en faisait plus de 100.

Cette nuit là, il était autour de 23h quand je suis enfin arrivé au panneau "Anglards-de-Salers".
Après plus de 58km et plus de 2000m d+ dans la journée, soit un peu moins de 14h d'effort (plus de 16h en temps total), j'arrivai devant la porte d'entrée de la maison familiale.
Toc, toc, toc.
-"Oui, entrez !"
-"Coucou, c'est moi, je suis rentré."
Home to Home
3 jours, 177km, 6326m d+
Du 04 au 06/08/2024
Une sacré expérience !
Merci à ma maman pour le repas chaud en arrivant.
The end.
#H2H ©️AntoineAu-Job
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